LES GENERAUX ET LE GIA 11eme Partie
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Quelles leçons en tirer ?
Il est à présent admis que le GIA est bien une création des services spéciaux algériens.
Dans leur stratégie les généraux avaient prévu le recours à l'insurrection armée des islamistes et pour ce faire, toutes les options avaient été envisagées, l'infiltration d'abord, le noyautage et la création de maquis antiguérilla chargés de la sale besogne.
L'infiltration par exemple a permis dès 1992 de réussir des embuscades contre le commandement des groupes armés, pendant qu'il se réunissait dans des endroits présumés secrets.
Le noyautage a permis aux activités "subversives" et au terrorisme de harceler de réduire au silence, de marginaliser ou de pousser à l'exil un pan de la société et tous les opposants qui dérangeaient le système.
La contre-guérilla a permis de dompter la population, d'effacer le FIS de la mémoire collective et de punir ceux qui ont voté pour les islamistes.
En fin de compte qui a profité des actions du GIA ? Sûrement pas les islamistes.
Le GIA, n'a ni projet de société ni programme politique, il ne pose aucune alternative pour le pays. Le comportement de ses membres se caractérise par les meurtres, les viols, l'alcool, la drogue, le racket,.. C'est à dire tous les ingrédients nécessaires pour l'isoler de la population et lui ôter ses soutiens naturels. Un mouvement qui jette le discrédit sur les organisations islamiques, qui décapite des femmes et des enfants et qui n'a pas de commandement unifié ne peut être que considéré comme un mouvement de contre-guérilla, utilisé contre les véritables islamistes poussés au maquis par la répression, le mépris et la violence de l'Etat.
Plusieurs témoignages crédibles font état de consommation de drogue et d'alcool par les éléments du GIA. Cette contradiction illustre à elle seule la volonté des commanditaires qui ont programmé la tragédie de l'Algérie, à ne reculer devant rien pour entretenir le chaos, opposer les Algériens entre eux dans une guerre fratricide et éradiquer toute opposition sérieuse qui menacerait leurs privilèges. La simple lecture des tracts du GIA est éloquente et dénote que les intérêts du GIA convergent paradoxalement avec ceux des généraux prédateurs, puisqu'il n'est question que d' extrémismes où abondent les formules du genre: pas de réconciliation, pas de trêve, pas de dialogue, pas de pitié,…
Le GIA, faisant de la surenchère durant la période de Liamine Zeroual, ira jusqu'à reprocher aux dirigeants du FIS leur attitude à adopter des solutions politiques ou des compromis avec le pouvoir. Ainsi au lieu de s'attaquer aux généraux et à leurs auxiliaires les GIA s'acharnent sur la population civile sans défense et entretiennent la guerre sanglante contre les autres organisations islamiques (AIS, LIDD, FIDA,…).
Selon le spécialiste Alain Grignard, qui a étudié la psychologie du GIA, les tracts de cette organisation sont rédigés en une sorte de langue de bois religieuse qui n'a rien à envier aux tracts des groupes marxisants occidentaux de naguère.
Quelle perspicacité ! Et pour cause les tracts du GIA sont rédigés par des officines du DRS.
Beaucoup d'observateurs ont remarqué dès 1997 que La violence qui frappe les populations civiles n'a pas de cohérence politique. Cette violence était devenue suspecte à partir du moment où l'Etat ne remplissait plus son devoir de protection du peuple.
Cependant les choses sont plus compliquées que cela et la crise multiforme (D'essence politique, elle a été aggravée par un marasme économique, un problème culturel et identitaire, une crise sociale,…) a vu se greffer d'innombrables vecteurs qu'il a fallu gérer au cas par cas.
Ceux qui ont pris les commandes en 1991 sont toujours là, aux mêmes postes stratégiques, pourtant de nombreux présidents, chefs de gouvernement et de ministres ont défilé depuis le début de la décennie rouge.
Chadli Bendjedid a été démis de ses fonction par un coup d'état parce qu'il voulait respecter la constitution et avait choisi de cohabiter avec le FIS.
Mohamed Boudiaf a été assassiné en direct à la télévision perce qu'il n'avait pas compris qu'il a été rappelé que pour sauver les apparences, apporter la légitimité à des voyous et non pour diriger le pays.
Le Président Ali Kafi a été éjecté car considéré comme un baathiste pouvant à long terme réhabiliter le FIS et qui ne pouvait rien apporter aux décideurs mafieux.
Le Président Zeroual a été démis de ses fonctions car il fallait saboter la reprise du processus électoral interrompu en janvier 1992.
Tout ce que la mafia veut c'est un semblant de démocratie, qui ne remet pas en cause leurs intérêts, avec une presse qui obéit au doigt et à l'œil, comme un doberman obéissant à son maître, prêt à agresser toute voix dissonante.
Comment la machine de guerre a-t-elle pu fonctionner ?
La préparation idéologique des officiers du DRS a commencé dès novembre 1991 avec un endoctrinement qui a surtout eu des effets sur les officiers non universitaires et qui gobaient sans coup férir un discours partisan basé exclusivement tel un leit motiv sur le sentiment de la peur et faisant référence aux exemples du Soudan ou de l'Iran, du genre: "les intégristes vous réserveront un sort identique à celui de la SAVAK (police politique sous le régime du Shah), ou encore à l'allusion au renversement de Djaafar Numeiry en 1989 au Soudan qui a entrainé les purges dans l'armée et les milieux intellectuels, d'où les nombreuses exécutions ayant poussé à l'exil une bonne partie de l'élite du pays".
S'estimant consacrés par la légitimité "révolutionnaire" usurpée après l'élimination des anciens officiers de l'ALN "incultes et analphabètes" (Comme le dira le général Khaled Nezzar à l'audience lors de son procès à Paris contre le sous-lieutenant Habib Souaidia en juillet 2002), le clan des généraux félons ont vite considéré ne plus détenir leur pouvoir du peuple, et donc de ne plus lui rendre des comptes, s'érigeant en gardiens suprêmes des intérêts du pays. Cette impunité a géré les deux vecteurs que sont: la violence et la répression sanglante, tout comme elle a favorisé le déploiement des réseaux de complicité. Le critère d'allégeance étant devenu la condition sine qua none pour toute promotion ou fonction supérieure de l'Etat. La mafia aux commandes du pays a réussi à imposer par la terreur et la corruption une véritable "omerta" qui est difficile à briser.
Deux exemples illustrent le cynisme dont fait preuve le clan mafieux: La décennie rouge a été marquée par une violence inouïe et plusieurs massacres de civils alors que les intérêts économiques ont été épargnés. Par quel miracle l'armée algérienne peut elle soigneusement protéger ses sources de revenus *(L'Algérie a réussi à doubler ses exportations de gaz en dépit de la "sale" guerre) et se montrer incapable à protéger le peuple ?
De plus les mêmes hommes qui ont conduit le pays au désastre se trouvent toujours aux commandes du pouvoir.
Prise de conscience
Comme je l'ai écrit au début c'est à partir de 1997 que des journalistes, des représentants de la société civile, des défenseurs des droits de l'homme et des experts du dossier algérien ont commencé à douter des véritables auteurs des massacres. Ce ne sont pas les visites "guidées" *(L'allusion est faite à l'escorte, généralement des gendarmes, collée aux talons des hôtes par mesure sécuritaire) de quelques parlementaires ou journalistes européens, interviewant des personnes choisies ou la complicité d'intellectuels français, soigneusement pris en charge dans des hôtels de luxe et souvent rémunérés, qui vont me contredire.
Pierre Sané, le secrétaire général d'Amnesty International dira justement dans une interview intitulée "qui profite de la situation ?", accordée à un quotidien français en mai 1997 que "La seule lecture qu'on puisse faire, c'est à travers le prisme officiel ou celui de la presse algérienne qui ne peut enquêter sur les affaires touchant à la sécurité. On remarque aussi que personne, jusqu'à présent, n'a été traduit en justice pour ces tueries.", et s'étonnant que "le pouvoir n'arrive qu'à protéger l'Algérie utile et pas les citoyens de la région de la Mitidja, là où il y a pourtant une très forte concentration de militaires".
De nombreux spécialistes se posent légitimement la question de savoir pourquoi les décideurs refusent obstinément l'idée d'une commission indépendante pour faire la lumière sur les massacres. Qui refuse la transparence ?
Qui a peur de rendre des comptes au peuple algérien ?
C'est bien plus facile d'attribuer aux islamistes les assassinats déguisés en mort naturelle ou en "suicide".
Le 09 septembre 1997 dans Africa human Right Newsletter, J. Smith s'interroge sur les raisons des GIA à frapper les zones à sympathie islamiste et pas les quartiers de la nomenklatura à Alger. Ajoutant plus loin doctement "Le GIA est une organisation de la contre-guérilla islamiste (C'est-à-dire une fausse guérilla "camouflée" en une vraie), totalement contrôlée par la DRS qui gère la coordination de ses "opérations spéciales" avec les unités régulières de l'armée algérienne. Ces "opérations spéciales" visent à discréditer la vraie guérilla, à capitaliser sur les violences pour faire basculer la société, et donc à couper les vrais groupes islamiques armés des civils qui les soutenaient" remettant fortement en cause l'hypothèse de la fantaisiste organisation "El ghadiboun alla Allah" (Les mécontents de Dieu).
Elle sera relayée plus tard par le politologue F. Ait Mehdi qui, dans le bulletin Algerian forum du 07 octobre 1997, déclarait "le GIA est une organisation de la contre-guérilla, un instrument tactique dans la stratégie contre-insurrectionnelle de l'armée. Le GIA n'a pas eu plusieurs émirs nationaux, tels Layada, Gousmi, Zitouni, Zouabri et tutti-quanti, comme le répète les propagandes de guerre ad-nauseum. Il y a de très bonnes raisons de croire que l'émir national du GIA n'a été, et n'est autre, que le Général Mohamed Médiène. Il est le gestionnaire suprême du GIA, en tant qu'organisation, et il gère avec l'armée son instrumentalité dans la stratégie contre-insurrectionnelle de cette dernière".
Comparant je cite "la contre-guérilla du GIA avec une version actualisée de la Force K (Boukabous), ou de l'Armée Nationale du Peuple Algérien du "Général Bellounis", que la France a instrumentalisée dans son dispositif contre-insurrectionnel. La Force K, par exemple, était ostensiblement dirigée par Belhadj Djillali Abdelkader, surnommé Boukabous, (Un Messaliste retourné) alors qu'en fait c'était le Capitaine Conille, en charge du SAS de Lamartine, et le Capitaine Hentic, en charge de la harka de Béni Boudouane, qui la dirigeaient.
L'arsenal subversif de la force K, pour isoler la population du FLN, était aussi la surenchère nationaliste au niveau du discours et le viol, la torture, les égorgements d'Algériens et d'Algériennes, des taxes très lourdes, bref l'instauration d'une atmosphère de terreur et de confusion dans la population, au niveau de l'action".
Ali Benhadjar, ancien membre dissident du GIA, qui a par la suite crée la LIDD (Ligue islamique de la daawa et le Djihad), ayant bénéficié du statut de repenti, affirmera le 17.07.1997 "Lorsque se produisit la dérive du GIA sous la conduite de Zitouni manipulé par les services de sécurité avec des fetwas et des directives aberrantes, ils annulèrent nos engagements et dévièrent de notre voie en rendant licite le sang, les biens et l'argent de ceux qui n'étaient pas d'accord avec eux. Il n'y a pas à s'étonner si ces valets honteux en arrivèrent à enlever les moines et à les tuer, eux qui tuèrent les meilleurs des propagandistes et des moudjahidines, officiers et des civils qui travaillaient avec eux".
Il n'y avait pas que Bouhadjar qui s'aperçu du subterfuge du DRS. Bien avant lui Said Makhloufi, responsable du MEI (Mouvement pour un État islamique), dans son communiqué n°2 (Non daté, établi surement avant sa mort en 1996) déclarait rompre avec GIA. Disant expressément que le MEI est certain que la direction du GIA est aujourd'hui infiltrée par les services secrets et qu'il détenait entre les mains des preuves irréfutables que son émir Abou Abderahmane Amin (Alias Djamel Zitouni) est en relation avec les services secrets.
Bruno Etienne, un spécialiste du Maghreb et de l'Islam, est également catégorique ; dans l'interview "Ce sont les généraux qui se déchirent", parue dans le Figaro du 31 aout 1997, il s'interrogeait sur le fait que 400.000 hommes surarmés soient incapables de venir à bout de quelques maquis "résiduels" de gamins, déclarant sans équivoque que "Il faut être prudent. Vous raisonnez tous, Français, journalistes, de la même manière: d'un côté il y a les bons, les militaires, garants de la démocratie et de la laïcité, et, de l'autre, les méchants terroristes islamistes, qui commettraient 99% des attentats. Je n'ai pas le même sentiment. Pour moi, trois attentats sur quatre sont le fait du pouvoir en place. Pour être plus précis, les derniers attentats semblent être le fait d'une fraction de la junte militaire qui se refuse, contrairement à une autre fraction, à négocier avec le Front islamique du salut. Comment fonctionne le système ? D'abord, la sécurité militaire a infiltré tous les petits maquis du GIA. Le fait que la plupart des jeunes gens de ces commandos soient assassinés en prison après être passés aux aveux est un signe qui ne trompe pas. La version officielle, c'est qu'ils ont été tués par leurs frères. Mais vous avez rencontré beaucoup de prisons d'Alger où les islamistes se baladent avec des kalachnikovs ?".
Beaucoup de massacres, durant cette décennie rouge sont restés un mystère, qu'aucune logique ne pouvait expliquer. La sauvagerie avec laquelle ils étaient perpétrés, n'épargnant même pas des bébés de quelques semaines, tout comme l'absence de motivation apparente quant à l'acharnement systématique sur de pauvres familles paysannes vivant pratiquement dans des conditions misérables, a conduit de nombreux villageois à déserter leurs douars et à abandonner leurs terres.
Dépassés par l'ampleur des dégâts, les algériens n'aspiraient qu'à survivre et à échapper à ce cauchemar infernal qui pourrait survenir à tout instant: à l'occasion d'un faux barrage, à la suite d'une balle perdue, de l'explosion d'une bombe dans un marché, dans un bus ou à proximité d'une mosquée. Embourbés dans leurs problèmes quotidien, la grande majorité ne s'apercevaient pas que l'exode de ces villageois avait une explication rationnelle: ils sont chassés volontairement de leur terres par la "mafia du foncier" qui a programmé tout leur malheur dans le but de s'approprier ultérieurement leur bien sans qu'aucun héritier ou descendant ne vienne plus tard réclamer.
La destruction de l'Algérie se faisait en trois étapes:
-La première qui a vu les réseaux prospérait pendant la période du socialisme, grâce aux détournements des biens et deniers de l'Etat.
-La seconde phase qui coïncide à la période du "libéralisme" et qui a servi à la mafia au pouvoir de mettre la main sur les entreprises "juteuses".
-La troisième ne peut être que celle qui permet à ces nouveaux riches de jouir de leur richesse en devenant des propriétaires terriens. Comme au temps des … colons ! Ayant de l'argent, détourné du temps du socialisme de la "mamelle" puis blanchi durant la période de "l'ouverture économique" des années 1994 à 2000, qui a vu nombre de dignitaires se reconvertir en "manager" sans aucune connaissance technologique ni outils de gestion, dans des secteurs pourtant vitaux qu'il ne maitrisaient même pas.
Cette hypothèse est partagée par Patrick Leforestier qui déclarait dans un article intitulé "Derrière les tueries, de sordides intérêts immobiliers et financiers ?
Les zones de banlieue où ont lieu les massacres seront bientôt constructibles, paru dans Paris Match du 09 octobre 1997, je cite début 1988, trois millions d'hectares appartenant à l'État vont être mis en vente dans le cadre de la privatisation générale de l'économie. Cent mille hectares cultivables concernent la plaine de la Mitidja, composée à 80% d'exploitations collectives gérées par des coopératives de paysans qui cultivent mais ne possèdent pas la terre. A cause des massacres, la terre ne vaut rien aujourd'hui. Demain, elle vaudra de l'or. Lors de la privatisation, les paysans bénéficieront d'une sorte de droit de préemption sur les terres qu'ils cultivent.
Depuis six mois, c'est eux qu'on massacre, apparemment sans raison. En fait, c'est une stratégie. Il s'agit de vider les fermes collectives de leurs habitants. Plusieurs sont déjà désertées. A chaque massacre, la terreur pousse les cultivateurs dans les villes. Afin que le mouvement s'accélère, les tueries sont de plus en plus ignobles. On a relevé des cas de cannibalisme. Des bébés ont été cloués sur des portes ou brûlés dans le four d'une gazinière. Les meurtriers s'acharnent sur les enfants pour éliminer jusqu'au dernier héritier afin d'interdire tout recours futur pour l'attribution de terres ! Il arrive qu'après un premier massacre des rescapés restent sur place car ils ne savent pas où aller. A Raïs, les commandos de la mort sont revenus une deuxième fois pour les décimer. Cette terre maudite est convoitée par les "gros", mais aussi par les "petits". Les gardes communaux, les patriotes, milices armées par le pouvoir, les "chefaillons" locaux revêtent des cagoules et vont massacrer le douar voisin.
Voilà résumées, les raisons de ces tueries barbares dont sont victimes des algériens innocents. La quête du pouvoir absolue !
Toute l'Algérie, tant au plan politique qu'économique, doit appartenir à cette caste de généraux mafieux !
L'Armée, les services de sécurité, la justice, le parlement, les journaux, les partis, les banques, mais aussi les usines, la terre,….
La corruption s'imposait également comme moyen pour s'acheter le silence de la presse et entretenir des relais à tous les niveaux des institutions de l'État (Justice, Parlement…). Il faut dire qu'en Algérie, détenir le pouvoir est assimilé à privilèges et enrichissement. Le problème est avant tout celui du partage des richesses, car le régime s'accommode bien de toutes les idéologies. La preuve est là, les chantres du socialisme des années 1970 se sont recyclés au gré de la mode: en islamistes dans les années 1980, en "démocrates" ensuite, puis aujourd'hui en libéraux. Les partisans de l'économie centralisée des années 1970 se retrouvent aujourd'hui les fervents défenseurs de l'économie de marché.
Eléments d'économie politique de la corruption en Algérie
Pour paraphraser Mao Tsé Toung, le régime algérien marche sur deux pieds, la corruption et la terreur.
La corruption du régime algérien se situe au-delà du simple prélèvement illégal, au-delà du commissionnement occulte et délinquant de quelques décideurs de l'ombre. La corruption algérienne n'est pas la manifestation d'un dysfonctionnement des structures de l'administration ou de l'Etat. Elle se situe au cœur du système. Le contrôle prédateur de la rente est l'alpha et l'Omega du régime militaro-policier, sa seule idéologie et sa raison d'être exclusive.
Autrefois concentrée entre quelques mains (Le premier cercle du pouvoir) dans le cadre du système de centralisation bureaucratique, soi-disant socialiste, la corruption à l'ère de la mondialisation a pris de nouvelles formes et s'est élargie à des niveaux subalternes, à de nouvelles clientèles.
Mais s'il a évolué ce phénomène à la différence de la délinquance financière des économies de production s'effectue toujours au détriment de l'économie interne et des populations. Ce système ignore, certains diraient hait, la production, il ne connaît que le parasitisme facile instauré par branchement illicite sur la rente pétrolière. L'économie algérienne se résume aujourd'hui plus que jamais à l'exportation d'hydrocarbures et l'importation de produits de consommation finale.
Il n'est qu'à observer la pseudo-libéralisation "entamée" depuis 10 ans ! 1994 sous les auspices plus que bienveillants de certaines institutions multilatérales (le FMI, la BIRD, mais surtout le FMI)…Malgré les milliards de dollars injectés (Plus de 20 milliards entre 94 et 98) dans les méandres de l'économie algérienne, aucune privatisation digne de ce nom n'est engagée à ce jour, aucune politique économique intelligible n'est proposée au peuple algérien. En dépit de niveaux de réserves de change plus que confortables et de revenus pétroliers élevés, la base productive continue à se réduire comme peau de chagrin au seul profit des importateurs "autorisés" et de leurs "ayants-droit"…
En matière de privatisation, il n'est guère que le commerce extérieur à être formellement libéré. Certes. Mais dès que l'on examine cette "libéralisation", il apparaît clairement que pour l'essentiel le commerce d'importation est contrôlé par les dirigeants ultima ratio du régime. Ce contrôle s'exerce à travers des réseaux d'hommes d'affaires "autorisés" (Algériens ou non) et de responsables installés à la tête de certaines administrations publiques "sensibles" (Douanes, justice, fisc, banques publiques - et même privées, étrangères ou non).
En effet, qui ne connaît au moins une sombre histoire de bateaux bloqués pour des raisons incompréhensibles (Ou trop aisément compréhensibles), de containers disparus en zone sous douane…Et aussi des anecdotes concernant la distribution par les banques de crédits sur injonction à des bénéficiaires qui disparaissent aussitôt dans la nature…Le Trésor public se chargeant régulièrement "d'assainir" la situation en éliminant les créances douteuses du bilan de ces banques… Relais de la police politique ou clients du système, les bénéficiaires de ces crédits ne sont, il va sans dire, pratiquement jamais poursuivis par la justice.
Donc après un centralisme bureaucratique tyrannique, il nous est imposé aujourd'hui en guise de marché qu'une sorte de bazar, sans droit ni institutions.
Dans ce contexte, une privatisation transparente et efficiente effectuée dans le cadre du droit demeure une simple vue de l'esprit. La concurrence qu'introduirait une authentique libération des initiatives entamerait à coup sur l'hégémonie maffieuse sur l'économie. Et ceci, les dirigeants de l'ombre ne le veulent en aucun cas. (On se souvient des tensions violentes suscitées par la promulgation des lois de libéralisation économique du gouvernement réformateur en 90/91).
La prédation est hégémonique, elle concerne tous les secteurs, de l'importation de biens de consommation à celle des armes en passant par les concessions, dans des conditions pour le moins opaques, de régie de service public (Les récentes attributions de réseau de téléphonie mobile à des investisseurs "étrangers" de deuxième zone en sont un exemple caricatural).
Car notre corruption est depuis longtemps une sorte de joint-venture, les potentats algériens et leurs hommes d'affaires à l'étranger ont su constituer des réseaux transnationaux où la politique et le business se confondent dans des opérations douteuses. La meilleure illustration en est peut être les scandales qui ont entouré le doublement du gazoduc avec l'Italie, scandales vite étouffées au nom d'une discutable raison d'Etat…
Le recyclage des fortunes se fait traditionnellement, pour l'essentiel, en Europe.
Les institutions qui observent, et surveillent, les flux financiers connaissent à l'euro près la fortune et les propriétés de ces dirigeants algériens. Ils connaissent également la puissance des réseaux transméditerranéens de commissionnements et de rétro-commissionnements.
Dans la vie politique de certains états démocratiques, ces filières remplacent à divers titres celles de la françafrique en voie d'extinction.
Depuis plusieurs années, les conseillers externes, souvent vrais chefs de réseaux, tentent d'influencer les dirigeants algériens dans le sens d'une sorte de modernisation des structures de recyclage. La lutte internationale contre le blanchiment impose aussi, il est vrai, un certain changement d'attitude. On assiste ainsi à l'émergence fulgurante d'hommes d'affaires dans le secteur des services et de banquiers d'investissement qui (Surgit du néant) brassent du jour au lendemain des milliards d'euros, des centaines de milliards de dinars…D'où vient cet argent ? Quels sont les bilans de ces investisseurs ? Il est vrai que pour beaucoup ces fortunes relèvent plus de la logique du conte de fées que des règles de la comptabilité…
Ainsi, apparaissent ici et là au grand jour des fortunes jusqu'alors inconnues et dont les origines restent inexpliquées. Pendant ce temps l'économie de production se contracte et dépérit et la pauvreté se généralise et connaît des niveaux jamais égalés. (Environ 15 millions d'algériens vivent avec moins de deux dollars par jours).
La corruption n'est pas, dans ce système aberrant, un phénomène isolé, anormal; elle en est la réalisation concrète, la démonstration de la pratique du pouvoir au jour le jour. Le contrôle de l'économie pour le détournement de ressources publiques assure à lui seul l'indéfectible cohésion des hommes et des groupes d'intérêt qui écrasent ce pays. La pérennité de la prédation justifie l'organisation du pouvoir réel, sa hiérarchie et ses quelques mécanismes de "régulation" interne en premier et dernier ressort.
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